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au-dessus des bois, que dorait le soleil levant, on voyait une fumée bleue, s’élevant du foyer des Grolles.

Elle toujours ! partout ! Il crut la voir, se penchant à sa fenêtre, belle et fraîche à son réveil. Pendant qu’il souffrait, elle avait dormi paisiblement ; mais, si elle pouvait le voir ainsi, l’âme dévastée, les yeux rougis par l’insomnie et le désespoir, elle serait attendrie et chercherait à le consoler.

Cette pensée pénétra si vivement le cœur du malheureux qu’il fondit en larmes. Ainsi pleura-t-il longtemps avec une âpre douceur, que depuis des années il n’avait pas connue. Peu à peu, le tumulte de ses idées s’apaisa ; le vent frais du matin essuya ses larmes sur sa joue ; la prairie et les saules aux rameaux dorés par le soleil du matin oscillèrent sous ses yeux en de doux balancements ; et au son argentin de la clochette d’une vache qui paissait non loin, sa pensée insensiblement devint image, rêve, et lui échappa…

Il dormait ainsi depuis près d’une heure, accoudé sur la fenêtre, quand la voix aigre de Gothon l’éveilla. Louis, un peu reposé, retomba aussitôt dans les pensées qui toute la nuit l’avaient agité : le bonheur entrevu, mais impossible ; sa jeunesse envolée, sa vie perdue. Il se leva, passa devant la cheminée, et, voyant dans la glace une forme confuse, il s’y regarda, ce que depuis longtemps il n’avait pas fait. Quoi ! c’était lui cela ? lui, cette figure où le sombre s’alliait au grotesque, sous la forme conique de ce bonnet noir ?

Saisi d’un accès de rage, il le prit, le foula au