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ments de la colère et aux douleurs de la haine.

On avait pris à tâche de combattre en lui tout ce qui était lui-même. Un jour, en voyant pour lui des yeux d’une pauvre fille une larme couler, il avait aimé. Alors, on avait feint de vouloir pour lui ce qu’il désirait, l’instruction, l’indépendance ; on l’avait envoyé dans les murs d’un collége le temps seulement de tuer ceux qu’il aimait ; après quoi, on lui avait de nouveau retiré l’étude, avant qu’elle eût pu devenir l’instrument de sa liberté.

Oh ! il avait fallu être bien dur et bien lâche pour se plaire à le désoler ainsi, lui qui pouvait se venger et ne l’avait pas voulu, par respect pour la volonté, réelle ou forcée, de sa pauvre mère !

Oui, bien souvent il avait pensé à s’enfuir ; mais il n’avait pas le goût de l’existence assez pour lutter seulement en vue de la conserver, ce qui est tout le but et tout le fruit des efforts du manœuvre en ce triste monde. Il s’était donc laissé vivre au jour le jour, songeant bien souvent à quitter la vie : mais où irait-il par cette issue ? il ne le savait ; il ne savait même si la pensée ne lui échapperait pas, et, la tenant, il voulait encore prendre le temps de penser, rêver, savoir, découvrir peut-être. C’est ce qui l’avait retenu.

Un moment, il avait cru que des temps nouveaux étaient arrivés, qu’un nouveau Code et un nouvel Évangile allaient être proclamés, que le monde allait se reconstituer selon la justice, et il s’était levé plein de force et d’élan, comme ressuscité, acclamant l’heureuse nouvelle et la répandant partout où il allait.