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verte sous des rochers. Rose était de la partie, plus jolie qu’à l’ordinaire, avec un fichu de tulle à ruches, orné de nœuds de velours noir, sur lequel Agathe et Mme Darbault jetaient des regards indignés ; elle avait aussi les yeux plus veloutés et plus brillants, et des grâces nouvelles, qui semblaient lui naître chaque jour. Lucien n’osant s’occuper d’elle exclusivement, oubliait cependant, rien qu’à la regarder à distance, de causer avec ses hôtes.

Au reste, de la conversation de toutes ces personnes, marchant en groupes différents, on n’eût pu extraire que deux idées : ce qui s’était passé chez le duc et ce qui allait se passer à la fête donnée en l’honneur du sous-préfet. Rose ne pouvait cacher son regret jaloux de ne point assister au bal, et, plus sérieusement qu’elle n’osait en avoir l’air, elle proposait à Lilia de vouloir bien l’y conduire, habillée tout à fait en demoiselle et coiffée en cheveux.

En même temps, elle regardait Lucien, se disant : « C’est lui qui me vengera de tels dédains. » Et Lucien, enivré de ces regards, pensait : « Comme elle m’aime ! » Les vrais poètes n’ont affaire d’analyse ni de chimie ; ils admirent l’éclat des feuilles, le coloris, le parfum des fleurs, sans rechercher quels sucs les ont formés.

On s’assit près de la fontaine, et tandis qu’on parlait toujours du prochain bal, Lilia, penchée sur la source, de ses roseaux se composa une coiffure merveilleusement en accord avec son petit air doux et rêveur. Cécile en fit la remarque à Lucien :

« Ravissant ! « dit-il tout haut. Et, se penchant vers sa sœur : « Seulement, c’est trop ophélianesque. »