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qu’on ne s’apercevait de l’excellence des produits qu’à leur cherté exceptionnelle.

Ses observations, toutefois, furent d’abord assez timides. Il faut l’avouer, vis-à-vis de cette chambrière aux grandes façons, qui estimait tant la richesse, la jeune maîtresse éprouvait quelque fausse honte à faire l’aveu de sa pauvreté. Faiblesse très-commune et très-explicable : si mesquins, si peu justes que soient les motifs du jugement porté sur nous, il n’en existe pas moins sans appel dans l’esprit de ceux qui l’ont prononcé.

En dépit de la vérité, nous ne sommes que cela pour ceux qui nous entourent. Or, notre vie étant aussi dans les autres pour une grande part, nous ne pouvons échapper absolument à l’influence de l’opinion d’autrui sur nous-mêmes, si renversée ou rapetissée que soit notre image dans le réflecteur que cette opinion nous présente.

Qui s’empressera d’avouer une action honorable en soi, si elle doit passer pour déshonorante aux yeux de tous ? Que de fois notre front rougit sous un soupçon que dément notre conscience ! Tandis qu’un nain, entouré des miroirs grossissants de la flatterie, finira par se croire un grand homme, chose si fréquente dans nos sociétés monarchiques ; de même, un entourage aplatissant nous énerve et nous diminue ; car il est indispensable à notre nature de trouver chez ceux qui nous entourent un point d’appui. Pour être complètement soi, il est nécessaire d’être compris.

Mme Arsène avait paru extrêmement mortifiée des observations de sa jeune maîtresse, quelque modé-