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fois que j’entends un cœur parler le langage du mien. Oh ! soyez mille fois bénie !

— Monsieur, dit la jeune fille, qui avait pâli d’émotion et de surprise, je suis heureuse que mes paroles vous aient fait du bien. »

Elle lui tendit en même temps la main ; il la serra fortement dans les siennes, et allait parler de nouveau, quand la voix de la petite Jeanne vint lui rappeler que d’autres personnes étaient là, froids et hostiles témoins de son émotion. Un changement soudain alors se fit en lui ; il se troubla, balbutia quelques mots inintelligibles, et, saluant Cécile profondément, il sortit de la galerie, suivi d’un grand chien de chasse qui l’accompagnait toujours.

Une apparition si imprévue, l’élan de cette âme meurtrie, qu’elle seule avait su comprendre et adoucir, avaient touché vivement Cécile, et ce fut à peine si elle entendit les exclamations ironiques et malveillantes de ses cousines, assez confuses de n’avoir pas eu le beau rôle en cette occasion.

D’ailleurs, sous une apparence douce et gracieuse, c’était une âme fière, sûre de ses préférences, et que la raillerie n’avait point le pouvoir de faire fléchir. Dédaignant de répondre, elle se mit silencieusement à tracer une maison pour Jeanne sur le sol mouvant de la sciure. La pluie tombait toujours.

Ennuyées et frissonnantes, elles commençaient à s’inquiéter sérieusement de la possibilité du retour, quand le roulement d’une voiture se fit entendre. D’abord, elles pensèrent que c’était le cabriolet de M. Darbault, sans comprendre comment on avait pu découvrir leur refuge. Mais, au lieu de Marius, elles