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— Un malheureux ? C’est parce qu’il veut l’être. Pourquoi n’est-il pas comme les autres ? Je ne vois pas pourquoi on le plaindrait de sa singularité.

— À moins que ce ne soit à cause de sa bergère, dit Lilia. Je conviens que c’est une affreuse histoire ; mais aussi quelle bassesse de goûts ! »

Pendant ces propos, le visage de Cécile s’était empourpré.

« Moi, je ne sais qu’une chose, s’écria-t-elle d’une voix où l’indignation mêla des accents énergiques, c’est que j’ai compris l’horrible douleur de cet homme et sa colère ; car on lui a tué sa femme et son enfant. Des imbéciles et des lâches, pour les plus misérables vanités, ont fait souffrir les siens jusqu’à la mort. N’y a-t-il pas là en effet de quoi fuir le monde qui approuve ou tolère ce crime ? N’y a-t-il pas de quoi maudire son père ? Que cette femme fût bergère ou princesse, qu’importe, puisqu’il l’aimait ? C’était un noble amour, puisqu’il a été fidèle ! Eh bien, je vous le déclare, que Louis de Pontvigail d’ailleurs, soit ce qu’il voudra ; mais pour sa protestation et pour sa douleur, moi, je l’estime et l’honore, cet homme, profondément ! »

Agathe et Lilia n’eurent pas le temps de répondre : un bruit soudain se fit entendre au fond de la galerie ; elles poussèrent un cri : Louis de Pontvigail était devant elles. Son visage ardent, la flamme qui brillait dans ses yeux, l’exaltation qui débordait de son geste, de son attitude, révélaient qu’il venait de tout entendre.

Il plia le genou devant Cécile :

« Oh ! lui dit-il, je vous remercie. Voici la première