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quelle folie de courir ainsi les champs à pied ! Je ne vous pardonnerai jamais, Cécile, de nous y avoir entraînées. Mais c’est la dernière extravagance que vous me faites commettre, je le jure bien.

Lilia, tremblante, et, si l’on en jugeait par son air, peut-être non moins courroucée, se contentait de pleurer, abandonnant sa fille aux soins de Cécile. D’abord, celle-ci essaya bien d’apaiser le désarroi et l’irritation de ses compagnes en s’efforçant de leur faire comprendre que nul n’était à l’abri d’une averse en ce monde, et que les orages n’étaient pas toujours faciles à prévoir ; mais les lamentations d’Agathe devinrent si exagérées, que, excitée déjà par la marche, le grand air et cette part de comique que renferme toujours l’imprévu, Cécile, marchant toujours en avant avec Jeanne, pouvait à peine contenir une envie de rire, dont l’explosion eût mis le comble assurément à l’exaspération de ses cousines.

Elles atteignirent enfin la lisière du bois ; mais là elles se trouvaient encore à plus d’une demi-lieue de Loubans ; la route qui longeait la rivière était inondée ; la pluie tombait plus fort que jamais, et les minces chaussures des jeunes femmes, détrempées par l’eau des ruisseaux, se tordaient sous leurs pieds et ne les protégeaient plus même contre les aspérités du chemin.

Elles étaient en cet endroit à peu près à distance égale des Maurières et des Saulées, plus rapprochées même de ce dernier gîte ; mais elles pouvaient d’autant moins songer à y trouver un abri, que, par cette pluie torrentielle, un quart d’heure de marche dans un chemin découvert eût plus que suffi à les trem-