Page:Leo - L Ideal au village.pdf/11

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’IDÉAL AU VILLAGE


I

Il y a quelques années, la mort subite de M. Marlotte, conseiller à la Cour de cassation, fut un événement pénible pour tous ceux qui avaient connu de près cet homme excellent et distingué. Profondément instruit, doux, simple, préférant les joies de l’étude et de la famille à tout plaisir comme à toute vanité, il était du petit nombre de ceux qui placent la justice au-dessus des accidents politiques et des arrangements sociaux.

Ses goûts et son caractère paisible l’avaient toujours écarté des luttes publiques ; mais il n’en élaborait que plus scrupuleusement, dans un silence où la voix seule de la conscience était écoutée, des jugements empreints du sens moral le plus large et le plus pur. À l’encontre de tous les usages reçus, M. Marlotte ne s’était élevé que par son talent et par l’influence d’un caractère énergiquement probe. On a peut-être aussi trop érigé en axiomes de misanthropiques vérités. Non-seulement il n’est pas bon de persuader à tous que le succès ne s’achète qu’aux