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nait à leur rencontre, ils se décidèrent à franchir le seuil.

Ils se trouvaient dans une grande pièce, meublée comme une cuisine de campagne. Dans la cheminée, large et profonde, le feu flambait sous une marmite, et la grande femme à la coiffe de travers était là debout, une cuiller à la main, parlant à un vieillard assis dans un antique fauteuil en tapisserie. Bien qu’on fût au mois d’août, ce fauteuil ne pouvait sans doute avoir d’autre place que le coin du feu, et le vieillard ne pouvait sans doute avoir d’autre place que ce fauteuil. L’habitude a de ces ténacités.

« M. de Pontvigail ? demanda Lucien. »

— C’est moi, dit le vieillard, » sans se déranger d’abord. Mais, apercevant Cécile, il se leva et porta la main à son chapeau.

C’était un homme de plus de soixante ans, grand et maigre, vêtu d’une houppelande brune, sale et usée, et coiffé d’un vieux feutre. Il avait l’air énergique et dur, le regard perçant.

« Gothon ! cria-t-il, vite des chaises à mademoiselle et à monsieur. »

Gothon obéit d’un ton de mauvaise humeur, et Lucien se hâta d’expliquer l’objet de sa visite.

« Vous voulez louer les Grolles ? dit M. de Pontvigail. Dame ! je ne sais pas, moi ; cela ne se fait guère dans notre pays. Quand on veut habiter la campagne, j’entends des gens comme vous, on achète plutôt. »

Il les fixait en même temps, comme s’il eût essayé de deviner à leur physionomie quelle pouvait être leur capacité financière.