Page:Leo - L Ideal au village.pdf/101

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sons notre but, dit malignement Cécile en montrant le pont que, suivant les indications de la fermière, ils devaient franchir.

— Il me semble, répliqua Lucien avec un peu d’impatience, que l’on peut avoir des distractions en causant. Cependant, il ne ferait pas bon d’en avoir ici, » poursuivit-il en s’arrêtant et en retenant sa sœur.

Le petit pont semblait en effet d’une vétusté inquiétante. Il se composait seulement de deux ou trois poutres, jetées d’un bord à l’autre sur deux piles de maçonnerie et recouvertes de madriers. Mais ces madriers, d’ailleurs peu épais, tombaient en pourriture et laissaient à nu sur les poutres les clous qui les avaient autrefois fixés. On avait remarqué le peu de sécurité de ce passage, car le long d’un des rustiques garde-fous qui le bordaient, on avait jeté quelques planches. Lucien haussa les épaules :

« Voilà qui devrait occuper la sollicitude d’un maire, dit-il, si notre oncle n’avait les yeux éblouis par l’éclat de la confiance que lui accorde le gouvernement. Je commence à croire que trop regarder au-dessus de soi est la maladie du siècle. Heureusement, il n’y a pas de quoi se noyer, ajouta-t-il en jetant les yeux sur l’Ysette, qui coulait en cet endroit sur un lit de sable et de fins cailloux, et n’avait pas plus de deux ou trois pieds de profondeur mais, à en juger par l’entrée de ses domaines, il faut reconnaître que ce vieux de Pontvigail doit être un Harpagon de première force il va essayer de nous plumer vifs. »