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ralités envers les pauvres, il eût passé pour un homme ruiné, venu à la campagne dans un but d’économie. Au moins, y eut-il diminution notable du respect et de l’intérêt que leur présence avait excités. Mais ce fut bien autre chose quand on apprit l’ouverture de l’école. On n’y pouvait croire. Cela parut du plus mauvais goût et de la plus plate excentricité. On tournait tout autour sans y rien comprendre. En effet, mettre des idées dans sa vie, cela paraît aussi peu naturel dans le monde que peu vraisemblable dans les romans, aux yeux des mêmes juges. Il eût pris fantaisie au baron d’établir des courses, de donner une fête champêtre, de couronner des rosières ; Mme de Carzet eût balayé d’une queue de plusieurs mètres de soie les rues de la petite ville ; elle eût paru en bottes, en jupes courtes et dans ces costumes ébouriffants qu’on portait sur les plages voisines, les critiques eussent été bénignes ; car ce sont là des excentricités de gens riches et distingués ; mais ouvrir une école, c’était du dernier vulgaire, cela ne ressemble à rien. Cela ne se faisait pas. Aussi les noms des propriétaires de la Ravine furent-ils désormais prononcés avec une moue de mépris, Enfin, l’inconvenance de tenir classe le dimanche et de faire manquer vêpres aux écoliers ajouta de pieux motifs au blâme général.

Il y eut au prône de foudroyantes allusions, et les clameurs devinrent telles que l’autorité pria M. de Beaudroit de se mettre en règle. M. de Beaudroit n’eut pas de peine à obtenir du ministère une lettre aimable d’autorisation. Quant à Mme de Carzet, assez