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gendarmes, Moreau, le héros de tant de victoires ; il passe, indifférent, dans un imposant silence : tous les yeux sont fixés sur lui, tous les cœurs se serrent. Georges le suit : un murmure l’accueille : réprobation ou curiosité : quoi ! c’est la malebête farouche dont la presse officielle fait depuis si longtemps un épouvantail ? Sa carrure est athlétique, mais ses traits fins expriment la mansuétude, le laisser-aller, la candeur ; les yeux ont une douceur et une clarté enfantines, — quel étonnement ! Ses vêtements sont d’une simplicité raffinée ; une épingle de brillant fixe sa haute cravate ; aucun embarras, aucune affectation dans son maintien : celui d’un homme du monde entrant dans un salon. Derrière lui, ses complices, chacun escorté par deux gendarmes ; le plus singulier amalgame qui ait jamais pris place au banc des criminels : femmes du peuple, gens de mer à face brûlée, boutiquiers, gentilshommes désinvoltes et souriants, paysans d’apparence insensible, petits bourgeois de Paris, plus craintifs, plus émus que tous les autres ; quarante-sept, au total. Ils devraient être au moins en nombre double ; mais beaucoup des chouans de Georges, en apprenant son arrestation, ont pris la fuite et regagné la province.

Les accusés s’étagent, au rang désigné, sur les gradins où chacun se place entre deux gendarmes ; l’appel des noms commence. Geor-