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rations contre Moreau ». Il recommandait à tous la prudence, les engageait à ne rien dire qui pût charger un camarade. « Soyez doux et indulgents les uns pour les autres, redoublez d’égards… Quand vous ne vous sentirez pas assez forts en vous-mêmes, regardez-moi ; songez que je suis avec vous, que mon sort sera le vôtre ; point de regards en arrière ; nous sommes où nous sommes : nous sommes ce que Dieu a voulu que nous soyons… N’oubliez jamais que cette prison que nous allons quitter est celle d’où Louis XVI ne sortit que pour aller à la mort ; que son sublime exemple vous éclaire et vous guide… » Puis il leur parlait de la grande guerre, des combats qu’ils avaient soutenus ; les égayait en leur contant « des histoires burlesques, des bons tours joués aux Bleus » ; et souvent aussi, il les invitait à redire avec lui les pieux cantiques de leur pays. Ces chants graves étaient entendus de la rue ; les passants s’arrêtaient pour les écouter et manifestaient leur émotion par des applaudissements dont la police prenait ombrage.

Car le sentiment public, d’abord peu favorable aux chouans, s’était retourné depuis que, au travers des murailles du Temple, filtrait peu à peu la légende des drames dont était la scène cette lugubre geôle, chargée déjà d’un passé de cauchemar. L’arrestation de Moreau, resté très populaire en raison même de son