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et que le juge fût l’inculpé. Tous les efforts de Thuriot restèrent vains, d’ailleurs ; son rôle était d’impliquer Moreau dans la conspiration royaliste et de compromettre ainsi un rival qui portait ombrage à Bonaparte et dont celui-ci voulait être débarrassé. Or des déclarations unanimes de Georges et de ses compagnons ressortait l’évidence que leur complot avait avorté par le refus qu’opposa Moreau quand ils lui offrirent d’y participer : c’était bien ce qu’avait déjà dévoilé Bouvet de Lozier : tout le reste était invention de policiers et hâbleries d’espions stipendiés. Le bon sens public ne s’y trompait pas : quand on criait dans les rues la Conspiration de Moreau, les passants ricanaient la Conspiration contre Moreau.

Au dehors, la police s’évertuait à découvrir des complices : les domiciles privés étaient violés ; « les salons mêmes, où la bonne compagnie se réunissait, se fermèrent ; la Ville prit un aspect de morne tristesse ; les jours les plus hideux de la révolution n’avaient pas offert un spectacle plus alarmant ». À la porte du Temple stationnaient, en groupes pressés, les parents ou les amis des détenus, espérant « apprendre quelque chose » de ce qui se tramait dans la sinistre Tour. La femme de Moreau, — une belle créole qu’il avait épousée cinq ans auparavant, — venait de grand matin, tenant son enfant dans ses bras ; souvent on la vit