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regorgeait de détenus ; au début de mars, plus de quatre-vingts y étaient entassés et leur nombre grossissait tous les jours. C’était, dans les cours et les dépendances de la prison, un incessant va-et-vient de gardes, de geôliers, de gendarmes, de prisonniers circulant du donjon au ci-devant palais du Temple où, depuis le matin jusqu’au milieu de la nuit, siégeaient les magistrats instructeurs.

Les détenus au secret étaient extraits de leurs cachots et menés, à travers le préau et le jardin, jusqu’à la salle où les interrogeait Thuriot. Réal assistait le plus souvent à ces interrogatoires et aux confrontations qui avaient pour public, outre quelques curieux privilégiés, les gendarmes de service et un certain nombre de mouchards. Quoique résigné au pire, Georges, en présence du régicide Thuriot, qui le questionnait, n’était plus maître de ses répugnances : il l’appelait Monsieur Tue-roi ; un jour qu’il lui échappa de prononcer Thuriot, il eut un frisson de dégoût et grogna : « Un verre d’eau-de-vie, que je me rince la bouche. » Une autre fois, comme il s’agissait d’un portrait de Louis XVI que Georges aurait eu en sa possession et qui avait disparu, Thuriot demandait : « Qu’avez-vous fait de ce portrait ? — Et toi, tue-roi, riposta Georges, qu’as-tu fait de l’original ? » À certains moments, il semblait que « le brigand » fût le juge