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soupir. On ne saura même pas ce qu’il pense des événements dont il est la cause indirecte. Pichegru se suicide, une nuit, dans son cachot, à six pas de lui, et pas un mot ne révèle l’émotion que l’impassible chouan ressentit de cette fin tragique. Quelques jours plus tard, le Premier Consul, sur des rapports infidèles et des menteries policières, soupçonne que le jeune duc d’Enghien, l’héritier des Condé, est le prince tant attendu par les conjurés : il le fait enlever à l’étranger, conduire à Vincennes et fusiller après une parodie de jugement : Georges parviendra si bien à comprimer son indignation et sa fureur que nul ne remarquera son attitude à la nouvelle de ce crime impromptu. Comment, quand l’apprit-il ? On n’en a rien dit ; non plus que de son affliction quand, par surcroît d’amertume, il vit affluer au Temple tous les complices subalternes de son entreprise ; paysans de la côte de Biville, vignerons de la banlieue parisienne, la police raflait tout ; il suffisait d’avoir guidé les conspirateurs pendant quelques heures, d’avoir reçu d’eux, sans les connaître, une pièce de monnaie, ou de leur avoir loué des chevaux, pour être inculpé de comploter le renversement de la République et l’assassinat du Premier Consul.

Le Temple offrait, en ce printemps de 1804 un étrange spectacle : la sombre Tour, longtemps délaissée et hantée par tant de spectres,