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très malin. Quand on lui amena ce prisonnier, jeune encore, — Picot avait vingt-huit ans, — desservi par une grossièreté apparente, une mine farouche et patibulaire, Bertrand pensa en avoir facilement raison ; il lui promit la liberté immédiate, s’il révélait l’asile de son maître. Picot refusa. On compta sous ses yeux une somme d’argent considérable, prête à lui être remise, s’il consentait à parler. Même silence. Alors on garrotta le malheureux, on lui saisit les mains, on lui écrasa les doigts au moyen de chiens de fusils serrés à vis. L’atroce douleur eut raison du fanatisme du pauvre Breton ; il serait mort plutôt que de trahir son général ; mais on obtint, par ce procédé infâme, de longs détails, vrais et faux, sur la route des conjurés et sur ce que Picot croyait savoir de leurs projets : « les chefs ont tiré au sort à qui attaquerait Bonaparte ; ils l’enlèveront sur la route de Boulogne ou l’assassineront en lui présentant une pétition à la parade ou lorsqu’il ira au spectacle ; c’est afin de l’approcher qu’on a fait des uniformes de chasseurs ou de hussards. » On découvrit les uniformes à la Cloche d’or, on mit en arrestation le tailleur Genty et Picot fut écroué à la Tour du Temple, pantelant, les mains en sang, les doigts brisés.

Bertrand connaissait maintenant le moyen de délier la langue aux brigands ; tous les individus arrêtés, — et ils affluaient à la Préfecture, pê-