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de ces exilés réduits à l’aumône et qui n’ont plus rien que ce nom, rivé, depuis plus de deux siècles, à l’histoire du pays : tout ce qui n’est pas lui paraît aventure. C’est cela dont s’irrite le jeune Consul installé aux Tuileries et qui ne s’y sent pas chez lui.

Au printemps de 1800, le renseigne-t-on sur ce qui se trame ? Il n’a guère autour de lui que des ennemis ; mais sa géniale pénétration l’éclaire mieux que les rapports suspects de Fouché. Il sait donc que son pouvoir ne tient qu’à un fil. Contre lui les jacobins conspirent ; les royalistes conspirent ; beaucoup de généraux, ses ministres, Fouché, Talleyrand, son ancien collègue Sieyès conspirent ; le troisième Consul, Lebrun, entretient, dit-on, des rapports avec Louis XVIII, et les bien informés nomment déjà, — La Fayette ? Carnot ? — celui qui, sous le titre de président de la République, va remplacer Bonaparte décrié.

C’est alors que celui-ci dénoue la situation par un admirable coup de théâtre. Le 5 mai, il ordonne à son frère Lucien, ministre de l’Intérieur, d’annoncer qu’il part pour Dijon, où il inspectera l’armée de réserve : « J’irai peut-être jusqu’à Genève, mais je ne serai pas absent plus de quinze jours. S’il se passait quelque chose, je reviendrais comme la foudre. » Il va jouer « le tout pour le tout ». Le 6, à 4 heures du matin, il monte en voiture ; le 7, à l’aube,