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truit qu’il doive continuer l’activité qui anime la vue et l’ouïe, après que l’œil et l’oreille ont été détruits ?

Elle est merveilleuse de persuasion et d’ingéniosité quand elle justifie l’élan qui l’emporte vers la Vie inconnue, dont elle a rencontré l’autel. Cette existence de jeune fille, devant laquelle tombent d’eux-mêmes, comme des vêtements de rebut, les mots de bonheur et de malheur, elle est toute animée, elle est toute passion et tout frémissement. Helen Keller veut la vie pour la vie, comme d’autres l’art pour l’art.

Le sourd-aveugle peut être enfoncé et enfoncé comme le plongeur de Schiller dans les mers de l’inconnu. Mais, différent du héros enchanté, il revient victorieux, serrant cette vérité sans prix que sa pensée n’est pas estropiée, ni bornée par l’infirmité de ses sens. Le monde de l’œil et de l’oreille lui devient un sujet de fatal intérêt. Il s’empare des mots de la vue et de l’ouïe parce que ses sensations l’y obligent. La lumière et la couleur dont il n’a pas d’évidence factuelle, il les étudie sans appréhension, croyant que toute vérité humainement connaissable lui est accessible. Il est dans une position similaire à celle de l’astronome qui, ferme, patient, observe une étoile, nuit après nuit, pendant des années, et se trouve récompensé s’il découvre un seul fait à son égard. Le sourd-aveugle aux ordinaires choses extérieures et le sourd-aveugle à l’incommensurable univers sont tous deux limités par le temps et l’espace, mais ils ont fait un pacte pour se faire servir de leurs limitations.

La masse des connaissances humaines est une imaginaire construction. L’histoire n’est qu’un mode de l’imagination, une manière de voir les civilisations qui, depuis longtemps, n’apparaissent plus sur la terre. Quelques-unes des découvertes les plus significatives de la science moderne doivent leur origine à l’imagination d’hommes qui n’avaient ni les connaissances exactes, ni les instruments appropriés pour démontrer leurs convictions. Si l’astronomie n’avait pas toujours pris les devants sur le télescope, personne n’aurait jamais pensé qu’il valût la peine de construire un télescope. Quelle grande invention n’a pas existé dans la pensée de l’inventeur, longtemps avant qu’il lui donnât une forme tangible ?

Un plus magnifique exemple de la connaissance imaginative est l’unité sur laquelle les philosophes basent leur étude de l’univers. Il leur est impossible de percevoir le monde dans sa totale réalité. Cependant leur imagination avec son compte ouvert à l’erreur, son pouvoir de traiter l’incertain comme négligeable, a montré la voie à la connaissance empirique.

Dans leurs moments de plus haute création, le grand poète, le