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autour d’elles, trompant tous les efforts pour l’identifier. C’est le feu-follet de mon expérience olfactive. Quelquefois j’en rencontre à qui fait défaut une distinctive odeur personnelle et je trouve rarement de telles personnes amusantes ou intéressantes. D’un autre côté, celui qui possède une odeur définie a souvent une grande vitalité, de l’énergie et de la vigueur d’esprit.

Les exhalaisons masculines sont, en général, plus fortes, plus vives, moins largement différenciées que celles des femmes. Dans l’odeur des jeunes gens, il y a quelque chose d’élémental, comme le feu, l’orage, la mer salée. Elle a une pulsation de gaieté et de désir. Elle suggère toutes les choses fortes, belles et joyeuses et me donne un sens de bonheur physique. Je me demande si les autres observent que tous les petits enfants ont la même odeur pure, simple, indéchiffrable comme leur dormante personnalité. Ce n’est que vers l’âge de six ou sept ans qu’ils commencent à avoir une perceptible odeur individuelle. Elle se développe et atteint sa maturité avec leurs forces mentales et physiques.

Ce que j’ai écrit au sujet des odeurs, particulièrement des odeurs personnelles, sera peut-être regardé comme le sentiment anormal de qui ne peut avoir idée « du monde de réalité et de beauté perçu par l’œil ». Il y a des gens qui sont aveugles aux couleurs, des gens qui sont sourds aux tons. La plupart des gens sont aveugles et sourds aux parfums.

Elle dit aussi :

Je comprends comment l’écarlate diffère du cramoisi, parce que je sais que l’odeur d’une orange n’est pas celle du raisin. Je peux aussi concevoir que les couleurs ont des nuances et deviner ce que sont les nuances. Dans l’odorat et le goût il existe des variétés, pas assez larges pour être fondamentales, aussi je les appelle des nuances. Il y a une demi-douzaine de roses près de moi. Toutes ont leur indiscutable parfum de rose, cependant mon nez me dit qu’elles ne sont pas les mêmes. L’American Beauty est distincte de la Jacqueminot et de la France. Les odeurs dans certains gazons se fanent aussi réellement pour mes sens que certaines couleurs au soleil pour les vôtres. La fraîcheur d’une fleur dans ma main est analogue à la fraîcheur que je goûte dans un fruit nouvellement cueilli. Je me sers d’analogies semblables pour élargir ma conception des couleurs. Certaines analogies qui existent pour moi entre les qualités des surfaces, de la vibration, du goût et de l’odorat, existent pour les autres entre l’ouïe, la vue et le toucher. Ce fait m’encourage à persévérer, à essayer de jeter un pont sur l’intervalle entre l’œil et la main.

Ces derniers mots nous font abandonner la partie purement