Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/34

Cette page a été validée par deux contributeurs.

énormes de la forêt. Cela durait jusqu’aux brouillards d’automne.

Le bois devint pour l’enfant une tentation de tous les instants. Il vivait dans les arbres et les buissons, mêlé à l’animalité qui les remplit. Il était lui-même un jeune animal, nourri des sèves de la terre ; le soleil frappait à crû son épaule ; la pluie le transperçait ; la neige le fouettait ; il rôdait dès l’aurore, les pieds meurtris par les ronces, insensible aux déchirures de sa chair, déjà grand à douze ans comme un garçon qui en aurait vingt.

Comme délectations, il avait la rosée du matin qui rafraîchissait sa peau sèche, le bourdonnement du vent qui lui emplissait les oreilles d’une musique éternelle, la tombée de la nuit avec ses apaisements ; et il éprouvait, au milieu de ces choses, une jouissance muette de tout son être. Pareil à l’arbre qui, de toutes ses branches à la fois, plonge dans les gloires du ciel et pompe le vent, la chaleur et l’ombre, insatiablement il absorbait la nature dans la plénitude de sa vie.

Ce vagabond était chez lui dans les bois, sentant vaguement remuer quelque chose dans l’ombre, il ne savait quoi, de la vie, des êtres, de la substance et comme le frisson d’une création farouche et douce. Petit à petit le massacre des oiseaux avait fait place à des massacres plus téméraires. Le gamin, se sentant pousser bec et ongles, s’armait à présent contre une proie moins souple, d’une poursuite virile. Il déserta les hautes feuillées, fouilla la profondeur des dessous de bois, et comme il avait connu les nids, il connut les terriers. Il avait des malices de singe pour déjouer les ruses des bêtes, était extraordinairement patient et contemplatif, se raidissait comme un pieu pendant les silences de l’affût, ses deux yeux sauvages tournant seuls effroyablement ; et une volonté