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son dos, faisait le geste de l’assommer. Il se croyait triomphant ; il était perdu.

Warnant, bourré dans les épaules sans pitié ni miséricorde, enlaça la cuisse de Hubert et le fit basculer par-dessus lui. Pris à l’improviste dans la partie la plus faible de son corps, ses jambes longues et maigres, le Hayot alla choir de nouveau, la tête en avant, vaincu cette fois et criant à l’aide. Mais Warnant ne prenait plus garde à rien : il bavait de rage, hurlait, voyait rouge. Ramassé sur les reins, comme une bête, il lui cognait la tête contre le carreau à coups redoublés, l’insultant à chaque coup. À toi, losse ! Tiens, brigand ! Encore ! chenapan ! propre-à-rien ! trembleur ! fils de truie ! Et Hubert geignait, suffoqué, l’échine en pièces, ayant dans la cervelle comme un bruit de cloches et appelant du secours, constamment, sans être entendu.

La bagarre était devenue générale dans le cabaret. Sauf quelques anciens qui, dès le premier colletage, avaient prudemment battu en retraite, tout le monde s’en mêlait à présent, qui pour et qui contre. Mathieu, repris par Donat, lui avait lancé au creux de l’estomac un coup de bélier qui l’avait envoyé bouler dans les tables, vomissant, en proie à un détraquement horrible ; mais une grêle de poings s’était abattue sur lui, au même instant. Les amis de Hayot entraient dans la rixe, et de toutes parts circonvenant le pauvre garçon, moins aguerri que son aîné à la lutte, le tiraillaient, le battaient, lui portaient des coups dans les lombes et la poitrine.

Mathieu les esquivait tant bien que mal. Un gros joufflu ayant tâché de l’enlacer, il lui cassa une dent. Il atteignit un autre dans la nuque ; un troisième reçut un formidable coup droit dans le thorax ; et ceux-là se reculèrent aussitôt, faisant place à d’autres qui se ruaient à leur tour. Il avait l’oreille en sang ; sa veste, déchiquetée,