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Il les montrait de sa main ouverte, allongeant le bras à chaque présentation, avec orgueil. Germaine hochait la tête, montrant ses dents dans un rire embarrassé. Hubert ôta sa casquette d’un coup sec et la tint à la main, derrière son dos, avec aisance. Fritz, très troublé, rougit jusque dans ses cheveux couleur de chanvre, retira son cigare et le remit en bouche du côté du feu, ce qui lui fit faire un haut-le-corps. Le rire de Germaine s’acheva dans un pli malicieux.

Ils rentrèrent tous ensemble à la maison. Mme Hayot avait fait ranger sur la table le service à café et les attendait. C’était une femme petite et sèche, la figure jaune, avec des langueurs dans les yeux.

Elle les reçut en se lamentant :

— Faites pas attention à moi. J’suis rien dans la maison. Le fermier fait tout à son idée.

C’était sa faute à lui, non la sienne, s’ils étaient si mal reçus ; Hayot ne l’avait pas prévenue de leur arrivée. Il voulut l’interrompre. Elle répliqua.

Les deux aînés s’interposèrent alors. Ça n’allait pas recommencer, hein ? Et, avec une brusquerie mal retenue, ils obligèrent leur mère à s’asseoir à la table.

Germaine devina le rôle effacé de cette femme dans la maison et la tyrannie sourde, constante du mari. Hubert s’était mis à côté d’elle et lui parlait, la joue fendue d’un large sourire immobile.

Elle fut étonnée de la douceur de ses gestes et de sa voix. Il affectait des formes polies et dans la conversation étalait un choix de mots qui donnait l’idée d’une éducation supérieure. Il était grand, avec des épaules retombantes, robuste, du reste, ce qui se voyait à ses jarrets nerveux et à ses larges mains qu’il tenait ouvertes, à quelques pouces des jambes. Et Germaine était par moments troublée par elle ne savait quoi d’énigmatique