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« Tu m’attendras sur le chemin. » Et il l’attendait, allant et venant comme une femme en gésine. Une joie cruelle était sur son visage. Il avait l’air féroce et doux des chats près de lacérer la souris.

La Cougnole habitait une masure sur la route qui traversait le bois des Chêneaux. Six hectares de terre environ avaient été gagnés sur le bois, en cet endroit, par la culture. Une ferme les exploitait. Elle était occupée par le fermier Brichard, qui avait avec lui sa femme et ses deux garçons, et faisait un peu aussi le commerce de bois. Trois maisons de paysans, parmi lesquelles il y avait deux cabarets côte à côte, étaient situées plus loin. Puis venait la masure de la Cougnole, avec son toit de chaume en surplomb qui, à l’arrière, avait fléchi, lors d’un ouragan. Un très petit jardin s’étendait en carré, entre les haies sèches, au dos de la maison. Le bois continuait ensuite.

À tout instant, Cachaprès sortait des taillis, et planté au milieu de la route, regardait devant lui. Le pavé s’allongeait entre les files de grands arbres, dans une pleine solitude. Pas une tache noire ne signalait un passant, au loin. Et il lui semblait que les deux heures étaient écoulées depuis longtemps.

Il eut un moment d’inquiétude furieuse. Si elle allait ne pas venir ! Si elle s’était moquée de lui ! Il serra ses poings, le cœur crispé, et tout à coup eut un haut-le-corps : Germaine venait de déboucher sur le pavé. Il se rejeta dans le bois et se mit à courir à travers les taillis. Puis une réflexion lui vint, et sur le point de l’atteindre, il marcha très doucement, ses mains dans ses poches, en sifflant, d’un air bonasse.

Elle avait au bras un panier dans lequel se trouvait du pain, un quartier de jambon et des pommes de terre. Elle était très rouge. Elle lui expliqua qu’elle s’était pressée, puis s’interrompit, embarrassée, et de nouveau, avec un