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pleines narines jusqu’à en défaillir. C’était bien la peine de s’être moqué des filles jusqu’alors. Maintenant il était pris, bien pris, et il avait une colère de n’avoir pas su demeurer insensible à la belle fermière.

L’amour intraitable des bêtes lui brûlait le sang, comme une plaie répandue par tout le corps. Il gémissait, enfonçant ses ongles dans sa chair pour en étouffer les révoltes, et des cris rauques de douleur et de désir lui sortaient d’entre les dents. Germaine ! Germaine ! grondait-il. Ses bras battaient l’air, se tendaient dans la nuit, comme pour la saisir. Il frappait les arbres de son poing, gagné par une fureur de fièvre.

Ce jour-là, à pointe d’aube, il était entré dans la forêt. Le premier soleil avait éclairé ce visage livide, dans la pâleur des ombres décroissantes ; son corps était à l’agonie ; il le sentait se dérober sous lui. Alors il avait clamé, pareil à un faon. Des larmes chaudes avaient coulé sur ses joues. Et comme un petit vent frais passait, secouant le matin dans les arbres engourdis, il s’était laissé tomber sur le ventre, et la tête dans l’herbe, avait mordu la terre avec acharnement. Puis un amollissement l’avait rendu plus faible qu’un enfant. Il avait fermé les yeux. Autour de lui, le jour montait.

Il s’était réveillé, calmé. Des ruses avaient traversé son cerveau. Il s’était promis de se faire humble devant Germaine, pour la rassurer. Il montrerait du repentir de ce qui s’était passé. Il mettrait ses hardiesses sur le compte de la bière. Il aurait le sang-froid de l’attendre, de la guetter, à l’affût, comme on guette une proie, et il s’était mis à rire, voyant sa malice lui revenir.

Mais ses résolutions croulaient à présent qui l’avait revue. Toute sa convoitise l’avait repris. C’était donc vrai qu’elle allait venir, qu’elle lui avait donné rendez-vous ? Il se répétait tout haut les mots qu’elle lui avait dits :