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vous voyez. Les mains ne vont plus, malheureusement.

Jean se coiffait de sa casquette, rangeait ses livres et ses cahiers dans sa mallette et prenait la main de Muller qui l’emmenait par les rues. Puis, l’après-midi, on entendait de nouveau le pas de M. Muller, et un petit pas venait ensuite, léger et sautillant.

Alors madame Bril disait :

— Voilà ce bon monsieur Muller qui me ramène mon cher Jean.

Les dimanches, M. Muller arrivait vers le midi, et demandait à madame Bril la permission de promener Jean. Ils allaient ensuite à deux chez les Lamy, qui, revêtus de leurs beaux habits, les attendaient pour prendre le café. Et, le café bu, on partait ensemble pour la campagne.

C’était une chose incroyable combien le petit Jean déjà aimait M. Muller : il était toujours pendu à sa main et lui faisait mille questions sur ce qu’il voyait.

M. Muller lui répondait : « Ça ? Eh bien, c’est ceci ou cela, » en lui expliquant ce que le jeune garçon voulait savoir ; puis il se reprenait et disait : « Non, je vais te dire ça d’une manière plus claire. »

Et ainsi de suite, jusqu’à ce que Jean comprît. Il le regardait alors dans les yeux, pour voir s’il avait bien saisi le sens de ses paroles ; et il pensait :

— C’est une singulière chose qu’on ait tant de peine à parler simplement. Avant de parler aux hommes, on devrait commencer à parler aux enfants, afin de s’habituer à se faire comprendre.

Et M. Lamy disait à sa femme :

— Thérèse, vous êtes-vous jamais doutée qu’il y eût des hommes aussi instruits que notre ami ?

— Non, jamais, répondait madame Lamy, qui pensait en elle-même :