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jours sa chambre en bon ordre et de ne rien laisser traîner hors de sa place.

M. Lamy, qui était ouvrier mécanicien, partait à l’aube, à cinq heures en été, à six heures en hiver, et revenait à midi, après quoi derechef il s’en allait jusqu’au soir. Il trouvait à midi la table près du feu, quand il faisait froid, ou près de la fenêtre quand il faisait chaud, et sur une nappe de serge, un peu courte, mais blanche et lustrée, la viande, les pommes de terre et le pain, à côté du pot à bière d’où sortait une bonne odeur de houblon. Madame Lamy courait du poêle à la table, remplaçait les pommes de terre refroidies par des pommes de terre fumantes et prenait grand soin que l’assiette de son homme fût toujours tiède. Et M. Lamy, heureux de trouver son ménage en ordre, les pommes de terre chaudes, la bière fraîche et la nappe parfumée d’une odeur de lessive, mangeait avec appétit en disant :

— Comme c’est bon de manger quand on a bien travaillé ! Vous êtes une fière femme, Thérèse. Il n’y a que vous pour accommoder un bon plat.

Puis, quand il avait fini, madame Lamy se mettait à table à son tour, picorant dans les casseroles, et il se renversait en arrière sur sa chaise, en tapant son ventre à petits coups.

Et de même qu’au matin, lorsqu’il rentrait le soir, après le travail de la journée, la table était mise et l’arôme du café remplissait la chambre. Alors il regardait du côté du poêle ; il voyait la fumée blanche sortir de la bouilloire et la fumée brune sortir du sac à café, pendant que madame Lamy, une main à la bouilloire, s’apprêtait à passer l’eau, et de l’autre main soulevait le sac pour voir si l’eau passait bien. Lamy s’asseyait en poussant un soupir de bien-être comme un homme qui, après avoir travaillé tout le jour, a