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berceau, sa petite bouche se plissa dans un sourire ravi, couleur de la neige et des lys.

Alors Jans lui montra sur le fauteuil de la poussière qu’il avait faite lui-même en mettant les pieds dessus, et riant de tout son cœur :

— Vois, dit-il, ce sont les sabots de la bête à monsieur saint Nicolas.

Et de suite après, Fleur-de-Blé pencha la tête, comme un arbre blessé par une pierre et qui a perdu sa sève ; et toute pâle sur la blancheur du grand oreiller avec son joli sourire triste qui ne savait plus s’en aller, elle retomba à son sommeil. Un silence lourd monta du vestibule ; la pendule de la boutique sonna une heure ; et doucement un chien se lamenta dans la cour voisine.

— Monsieur le vicaire, s’écria maman Jans en joignant les mains, je crois qu’il y a un malheur sur la maison.

— Bonne maman Jans, répondit M. le vicaire en levant la main vers le ciel, pensons toujours à celui qui peut tout.

Et le silence reprit, de minute en minute plus grave, autour du grand lit où reposait l’âme de la maison. Dehors la neige battait les vitres avec le bruissement léger d’un oiseau qui veut entrer. Et Jans, comme un homme qui a la fièvre, claquait des dents, bégayant au fond de lui le nom de sa Fleur, toujours.

Tandis que ces choses se passaient chez les Jans, une belle lumière gaie éclairait une des chambres de la maison du gros boucher Kanu. Des poupées et des chevaux de bois remplissaient la table, avec des mirlitons, des drapeaux et des tambours. Et tout à coup le gros homme, qui coiffait son bonnet de nuit, dit à sa femme en regardant la maison de Jans :

— En vérité, Zénobie, ça n’est pas naturel : je vois sur le rideau blanc des ombres qui passent et repassent.