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— Ah ! Fleur, pensait madame Jans, quel beau spikelaus ton papa va te faire là ! Il n’y en a pas un autre dans tout Wavre pour donner à la pâte une si belle tournure. Certainement j’ai bien fait, étant fille de boulanger, de me marier avec Hans.

Jans ensuite retira des cendres brûlantes un admirable bonhomme fumant et blond qu’il détacha d’un coup sec, et il le déposa sur une planche poudrée de farine. C’était un gros monsieur en bas de culottes, avec une mitre sur la tête, une perruque dans le dos, une canne à crosse à la main et dans les poches des joujoux qui dépassaient. On lisait sur ses souliers à boucles, le long d’une banderole : Saint Nicolas.

D’admiration le premier mitron mit la main à son nez et le second la mit à son pantalon.

Hans, qui les vit, leur dit sévèrement :

— Sales garçons, depuis quand met-on à son pantalon et à son nez la main avec laquelle on pétrit ?

Puis Jans se mit à glacer en rose les joues et le nez du saint, piqua des grains d’anis dans la perruque, coula du chocolat sur l’habit, étendit une couche de gelée de groseilles le long du gilet, saupoudra de poussière d’or la crosse et la mitre, sucra en blanc les mains et les bas, enfin appela sa femme et, lui montrant son chef-d’œuvre, dit :

— Annette, la pâte est mêlée de tranches de melon, de morceaux d’oranges et de raisins. Je ne donnerais pas ce saint Nicolas pour cinq francs, parce que je ne le referais peut-être plus si bien pour dix.

Et Fleur-de-Blé s’éveilla tout à coup en disant de sa petite voix :

— Bonne maman, ça sent bien bon ; est-ce que saint Nicolas est déjà venu ?

Cette petite voix de Fleur ressemblait aux dernières