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— Ah ! Dolf ! mon cher Dolf ! s’écriait chaque fois Riekje. Pourquoi ne revient-il pas ?

Et pour la calmer, Nelle, de son côté, disait :

— Je vois les lampes qui s’éteignent une à une dans les bateaux et dans les maisons. Dolf sûrement va rentrer.

Mais Dolf ne rentrait pas.

Deux heures après minuit, les douleurs de Riekje devinrent si grandes qu’elle fut forcée de se coucher sur le coffre. Madame Puzzel rapprocha alors sa chaise, et maman Nelle prit son chapelet, pour dire les prières. Et il se passa encore deux heures.

— Dolf ! Dolf ! criait sans cesse Riekje. Où reste-t-il si longtemps quand sa Riekje va mourir ?

Et Tobias montait de temps à autre à l’échelle pour voir si Dolf ne revenait pas. Le petit hublot du Guldenvisch reflétait sur l’eau noire la rougeur de ses vitres et il n’y avait plus d’autre fenêtre éclairée dans la ville. Au loin le carillon d’une église sonnait les quarts dans l’air de la nuit et, comme une volée d’oiseaux échappés d’une cage, Tobias écoutait les notes de la musique qui lui parlaient de celui qui allait venir. Lentement, les lampes se rallumèrent l’une après l’autre dans les maisons, des lumières tremblèrent le long de l’eau, pareilles à des étoiles. Puis le matin vert et froid coula dans les rues. Alors un petit enfant se mit à crier dans le bateau et ses cris semblèrent, à ceux qui les entendaient, doux comme le bêlement d’un agnelet dans sa crèche.

— Riekje ! Riekje !

Une voix lointaine appelle Riekje. Qui bondit sur le pont et se précipite dans la petite chambre ? C’est Dolf, le bon garçon. Riekje, qui sommeille, ouvre les yeux et voit son cher homme à genoux près du lit. Tobias