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— Nelle, s’il vous plaît, faisons comme eux, dit Tobias. Je suis en joie de les voir heureux.

— Bien volontiers, notre homme, dit Nelle. N’avons-nous pas été comme eux dans notre bon temps ?

— Ah ! Nelle, c’est toujours le bon temps tant qu’on est deux et qu’on a une petite place sur la terre pour y faire son ménage en paix.

Et Tobias embrassa sa vieille femme sur les joues ; puis, à son tour, Nelle lui donna deux gros baisers qui claquèrent comme du bois sec qu’on casse pour ranimer le feu.

— Riekje, disait tout bas le beau Dolf, je vous aimerai toujours.

— Dolf, répondait Riekje, je mourrai avant de cesser de vous aimer.

— Riekje, je suis plus âgé que vous de deux ans. Quand vous en aviez dix, j’en avais douze et je crois que je vous aimais déjà, mais pas autant qu’aujourd’hui.

— Non, mon cher homme, vous ne me connaissez que depuis le dernier mois de mai. Tout le reste n’existe Dites-moi, Dolf, que le reste n’existe pas. J’en ai besoin pour vous aimer sans honte.

Et Riekje se roulait contre la large poitrine de son mari en se rejetant un peu en arrière, et il était très facile de voir que la jeune femme serait bientôt mère.

— Allons, les enfants, cria maman Nelle, voici le moment de faire ma pâte.

Elle atteignit une casserole de fer dont l’émail reluisait, versa dedans la farine, les œufs et le lait, puis fouetta vigoureusement le tout, après avoir relevé ses manches sur ses bras bruns. Et quand elle eut bien battu la pâte, elle posa la casserole sur une chaise près du feu et la couvrit d’un linge, de peur que la pâte prît froid. Tobias, de son côté, saisit la poêle à frire, la