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lumière jaune en faisant danser les ombres sur le plafond ; mais il valait bien mieux regarder la brune Riekje assise près du feu, car c’était une belle jeune femme. Large d’épaules, le cou rond, les mains fortes, elle avait les joues pleines et hâlées, les yeux veloutés et bruns, la bouche épaisse et rouge, et ses noirs cheveux se tordaient six fois autour de son chignon, épais comme les grelins avec lesquels on hale les chalans le long des rivières. Bien que douce et timide, elle se laissait volontiers aller à des rêveries sombres ; mais quand son Dolf était près d’elle, la chair remontait de chaque côté de son amoureuse bouche et ses dents ressemblaient à la pale des rames quand elles sortent de l’eau et que le soleil luit dessus. Alors elle ne fronçait plus le sourcil, épais rideau sous lequel dormaient de tristes souvenirs, mais toutes sortes d’idées claires brillaient dans les plis de sa peau comme des ablettes scintillantes à travers les mailles du filet, et elle se tournait vers le beau garçon en frappant ses mains l’une dans l’autre.

La flamme qui passe par la porte du poêle rougit en ce moment ses joues comme deux tranches de saumon, et, par le coin de sa paupière, son œil profond, qu’elle fixe sur son ouvrage, luit, pareil à une braise dans les cendres. Mais deux choses luisent autant que ses yeux : c’est la pendeloque suspendue à la belière d’or qui pique son oreille et l’anneau d’argent qu’elle porte à son doigt.

— Riekje, êtes-vous bien ? lui demande Nelle Jeffers de temps à autre. Vos pieds ont-ils chaud dans vos sabots doublés de paille ?

Et elle répond en souriant :

— Oui, maman Nelle, je suis comme une reine.

— Comme une reine, dites-vous, reprend Nelle. C’est tout à l’heure que vous serez comme une reine, ma bru,