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» — Ma chère Clotilde, je sens que je suis remise avec Dieu depuis que nous nous sommes pardonné. Aidons-nous chacune dans notre vie.

» Elle me tendit la main et me dit :

» — Grâce à vous, Thérèse, nous le pourrons désormais.

» Un froid mortel, que n’auraient pu réchauffer toutes les bûches de Noël, était tombé dans la chambre, sur la petite table où le carcel éclairait les restes de notre repas ; oui, autour de Clotilde et de moi, régna tout à coup le froid du tombeau. Elle me regardait, elle regardait Élisabeth, elle tremblait en nous regardant. Et moi ! ah ! mon cher enfant, toute ma colère me revenait. Quand elle me prit ma main dans ses longs doigts secs comme du vieux bois où il n’y a plus de sève, je la retirai. Certainement, si elle avait vu mes yeux en ce moment, je crois, Dieu me pardonne, qu’ils l’auraient clouée sur place. Mais ni Clotilde ni moi ne disions rien.

» Elle fit quelques pas du côté de la porte, puis revint tout à coup en arrière, et ouvrit ses bras en disant :

» — Ah ! Clotilde ! ne te trompe pas sur mon cœur ! Mais j’en ai donné une moitié à ceux qui souffrent.

» Alors Clotilde éclata :

» — Quoi ! s’écria-t-elle, je t’ai retrouvée pour te perdre aussitôt.

» Lisbeth la regarda sévèrement et lui dit :

» — Clotilde ! Clotilde ! si vous parlez ainsi, c’est vous-même que je dois perdre de nouveau, car je l’entends bien, vous voulez repartir.

» Clotilde tendit brusquement la main, comme si elle allait faire un serment, mais son geste ne s’acheva pas et elle baissa la tête. Et Lisbeth reprit :