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» Comme une femme qui vient de retrouver son petit enfant après l’avoir longtemps cru perdu.

» Lisbeth, de son côté disait :

» — Clotilde ! Ah ! Clotilde ! À la fin ! Non, vous ne savez pas !

» Je la regardais ; elle faisait des efforts pour ne rien montrer de ce qu’elle avait dans le cœur. Elle se tenait à quatre comme un rameur qui sent que le courant l’emporte, et ses narines battaient, battaient, là, tenez ! comme des rubans au vent.

» Et je me disais en moi-même :

» — Mais va donc, grande bête. Crie donc, pleure donc, fais donc quelque chose, toi aussi.

» Oui, Stéphane, à la voir ainsi se pincer pour dissimuler son sentiment, tandis que l’autre, si bonne, cette pauvre aimante Clotilde, la nouait dans ses bras et s’abandonnait à sa tendresse, à son repentir, à sa frayeur, à toutes les émotions qui déchiraient son âme, je l’aurais battue. C’est la faute à ma nature un peu vive qui me fait faire quelquefois des choses dont j’ai lieu de me repentir après. Mais voilà, chacun a ses défauts. Où en étais-je, dites, Stéphane, où en suis-je resté ? Minute, patience ! Je sens que ça me revient. Je vous disais donc que je l’aurais battue, tant je me rongeais de la voir faire ses manières. Et tout à coup, le temps de tourner la tête, j’entends un cri. C’était Lisbeth qui partait à son tour.

» Ah ! elle n’en pouvait plus non plus, elle ! Est-ce qu’on commande à ces choses-là d’ailleurs ? Mettez plutôt une paille en travers du goulot de la pompe, pour empêcher l’eau de couler, Stéphane, que votre froide raison en travers de votre cœur, pour en comprimer les élans.

» C’est ce que je pensais, mon garçon, en voyant les