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doit pas fermer l’oreille à la voix de sa sœur. Il faut voir Clotilde.

» Elle avança la main et me dit :

» — Thérèse, vous ne pouvez pas comprendre…

« Mais je ne la laissai pas achever et je criai :

» — Malheureuse que vous êtes ! Savez-vous que vous êtes plus coupable qu’elle, puisque vous ne lui avez pas tendu la main ? Moi, Lisbeth, j’aurais été la chercher au bout du monde pour la sauver.

» Alors elle se jeta dans mes bras en pleurant :

» — Thérèse, je vous obéirai. Vous valez mieux que moi.

» Ce qui n’est pas vrai, Stéphane, en supposant que je vaille quelque chose.

» C’est égal, j’avais le cœur bien content quand, le soir venu, je me retrouvai chez moi, les pieds dans mes pantoufles, songeant à ce qui s’était passé. Ma parole d’honneur, je n’aurais pas recommencé.

» J’aurais voulu écrire à Clotilde, mais sa lettre était sans adresse et je savais seulement qu’elle habitait Paris.

» Le jeudi, enfin, une voiture s’arrête devant la maison.

» On sonne : j’entends un pas dans l’escalier ; j’ouvre la porte. C’était Clotilde. Jour de Dieu ! quelle journée ! Et moi qui aime les pleurnicheries ! C’était bien elle, Stéphane, oui, ce n’était que trop bien ma pauvre Clotilde si aimante, si dévouée, si bonne et en même temps si mauvaise tête. Saperlipopette ! j’y suis encore ; je la revois tombant dans mes bras, m’étreignant à bras le corps, m’embrassant dans le cou et me disant :

» — Ah ! Thérèse ! ma chère Thérèse ! c’est ta pauvre Clotilde ! Vois, je n’ai plus que les os. Pardonne-moi aussi. Je n’en ai plus pour longtemps.