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Madame Peulleke s’écriait :

— Est-il déjà dix heures, Élisabeth ? Êtes-vous sûre qu’il est déjà dix heures ?

Et soudain elle embrassait ma tante, reprise à ses attendrissements :

— Quel malheur, ma chère ! Nous allons donc nous quitter. Dieu m’est témoin que je serais parfaitement restée jusqu’à minuit. Oui, je n’ai jamais eu moins l’envie de dormir.

— Ah ! ma bonne Thérèse, disait de son côté madame Spring, quelle bonne soirée ! Votre thé était vraiment bon. N’est-ce pas, Sisy, que le thé était bon ? Un peu trop vanillé peut-être. Moi je ne mets jamais de vanille, M. Spring veut au contraire que j’en mette : c’est ce que je ne prétends pas. Ah ! ma pauvre amie, que je suis à plaindre !

Puis madame Spring chaussait ses galoches, madame Peulleke rentrait dans ses fourrures et madame Dubois faisait l’agrafe de son long manteau noir.

— Eh ! bien, Sisy, après quoi courez-vous comme ça, demandait ma tante à la grasse madame Peulleke qui trottait affairée dans les coins.

— Mon Dieu ! ma chère, est-ce croyable ? J’avais mis dans ce coin mon minou et je ne le trouve plus. Est-ce que le chat ne l’aurait pas mangé, par hasard ? À moins qu’un voleur ne soit entré pendant que nous prenions le thé. Oh ! ma chérie, il y a des choses si singulières ! Stéphane, voyez donc ce que j’ai dans le dos. Mais, voyez donc, Stéphane. Je suis bien sûre que c’est Poussette. Est-ce mon minou, vraiment ? J’ai failli me trouver mal. Pensez donc : Poussette dans mon cou ! Et mon parapluie ? Avais-je un parapluie ? Oh ! je ne serai jamais prête. »