Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/311

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


IV


— Est-il possible, Cadie, de prendre du lait avec le thé, disait ma tante en remuant de sa cuillère les bulles argentées qui crevaient et se reformaient au milieu de sa tasse. On n’a jamais vu des goûts pareils.

— Mais, Thérèse, je ne fais de mal à personne en prenant du lait, je pense. Ne suis-je pas à plaindre de ne pouvoir même prendre du lait sans que quelqu’un y trouve à redire ?

Inopinément madame Peulleke poussait un cri et laissait retomber sa tasse. Elle s’était brûlé la langue en buvant son thé trop vivement. Coup sur coup elle ouvrait alors la bouche et se mettait à souffler sur sa langue à petites fois, puis prenait son mouchoir, étouffant, très rouge.

— Je n’y comprends rien, disait madame Spring. Le thé n’est pourtant pas trop chaud.

— Est-ce à dire qu’il est froid ? repartait tout de suite ma tante. Je sais pourtant bien quand le thé est chaud et qu’il faut le boire. Oui, je le sais mieux que personne.

— Le thé n’est ni trop chaud ni trop froid, Thérèse. Mais je ne dis pas un mot que vous ne le preniez tout de travers. C’est comme M. Spring.

— Trempez votre brioche dans le thé et sucez-la, Betzy, conseillait madame Dubois, toute droite, sans tourner la tête.

Et d’autres fois, ma tante disait :