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ou des pâtés à la frangipane qu’elle aimait beaucoup ; et moi aussi.

J’ai passé de bien bonnes heures chez ma tante Michel et je l’ai toujours beaucoup aimée, à cause de sa joyeuse humeur et de ses bonbons. Maintenant qu’il y a dans ma pensée une petite croix de bois sous laquelle elle dort à côté de ceux que j’ai perdus, je me la rappelle souvent, elle, son petit poêle où tiédissait la théière, l’étagère remplie de coquillages, de bonbonnières à pastilles, de statuettes en porcelaine, de cornets de baptême, de cassolettes et de flacons, le vieux serin dans sa cage, devant la fenêtre, chantant à tue-tête lorsque chantait la bouilloire, les grands rideaux de perse à fleurs qui jetaient un jour doux dans la chambre, le panier d’osier plein de linge où elle fourrait ses broderies, ses tricots, ses ravaudages, pêle-mêle avec son carreau, ses étuis, ses bottines, ses jeux d’aiguilles et Poussette, la grosse chatte noire aux yeux verts, qui lui faisait des petits tous les ans ; je me rappelle tout cela comme au temps où ma bonne tante Michel allait et venait dans la chambre, toujours courant, en cornettes, ses anglaises grisonnantes lui pendant au long des joues, comme des copeaux, avec le battement de sa petite jaquette blanche par dessus son jupon de boucran moiré.

— « Où ai-je donc mis mon tricot ? gémissait-elle. Stéphane, n’avez-vous pas vu mon tricot ? Et la pelote ! Vous verrez que Poussette se sera assise sur la pelote. A-t-on jamais vu ? Voilà que je ne sais pas où j’ai fourré mes lunettes.

Et elle les avait sur le nez.

Elle trottait comme une souris, sans trêve ; sa plus grande peine était de rester en place, sauf à midi quand, douillettement enfoncée en son grand fauteuil de velours