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due, comme un avocat qui commence un plaidoyer :

— Monsieur Cappelle vous fait dire de sa part, qu’il donne cent francs par an aux pauvres de la ville et que…

— Venez, petit, venez par ici, interrompit Leentje, poussant à travers la porte sa jolie tête rose.

Et de la main, elle lui faisait signe d’approcher.

Le petit mendiant qui avait ôté son chapeau, en souriant gauchement, quand Jean s’était mis à lui parler, entra dans le grand vestibule peint en marbre blanc, étonné, regardant la hauteur des voûtes, avec de réitérés mouvements de tête humbles et lents pour saluer.

Jean ferma la porte, examina le garçon des pieds à la tête et tout à coup indigné, montra Leentje et s’écria :

— Savez-vous bien à qui vous parlez ? À Leentje, la fille de M. Cappelle. Et M. Meganck, le notaire lui-même, n’est pas plus riche que M. Cappelle, quoique son cocher ait un frac avec de l’argent dessus.

Mais l’enfant avait posé le doigt sur les haillons du musicien :

— N’ayez pas peur, dit-elle, et répondez-moi. Vous n’avez plus de père, petit ?

Il fixait à présent les yeux sur la pointe de ses pauvres vieux souliers, haussant les épaules, doucement, pour montrer qu’il ne comprenait pas ; puis par contenance, un poing sur sa hanche, il se mit à siffler dans ses dents, d’un air à la fois timide et résolu.

— Bon ! c’est un sourd-muet, s’exclama Jean. J’ai vu ça de suite. Voyons, répondez. N’est-ce pas que vous êtes sourd-muet ?

— Comment voulez-vous qu’il soit sourd-muet, Jean, puisqu’il chantait hier en jouant du violon ?

Alors le jeune garçon mit son instrument sous son men-