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donc ! cent francs aux pauvres de la ville ! Je lui dirai cela, soyez tranquille, et s’il lui prend envie de recommencer, je lui dirai par-dessus le marché que je n’ai pas le temps de courir du matin au soir après des rien-du-tout, des gueux, des rats, monsieur Cappelle…

Et Jean donnait de si furieux coups de son plumeau sur le fauteuil que les plumes se détachaient par poignées… — Oui, monsieur Cappelle, des rats. Cent francs par an ! vous badinez, je pense.

— Doucement, s’il vous plaît, Jean, vous allez déchirer le cuir de mon fauteuil. J’entends de nouveau le violon. Sortirez-vous à la fin ?

— Oui, monsieur Cappelle, fit Jean en passant son plumeau sous son bras. Mettez-vous seulement un peu à la fenêtre pour entendre comment je vais l’arranger.

Puis il se planta au milieu du bureau, croisa ses bras, et regardant son maître d’un air attendri, la tête sur le côté, s’écria :

— Est-il Jésus Dieu possible que des rien-du-tout, des gueux, des rats, oui, des rats, monsieur Cappelle, viennent ennuyer jusque dans sa maison un monsieur si honnête, et qui donne cent francs par an aux pauvres de la ville ? Non, monsieur, cela n’est pas croyable.

Ayant ainsi parlé, Jean se dirigea lentement du côté de la porte, les bras croisés et le nez en terre, avec de petits hochements de tête, comme un homme qui médite sur ce qu’il vient de dire, mais, au moment de sortir, il releva les yeux, et interpellant son maître :

— Ainsi donc, monsieur Cappelle, je lui dirai de votre part… Qu’est-ce qu’il faudra dire, s’il vous plaît, monsieur ?