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Car Truitje était à présent devant le feu, la poêle à la main, et on entendait à chaque instant le sifflement de la pâte coulant sur le beurre. Le feu la faisait paraître toute rose, et elle demeurait debout, sa robe entre les genoux, secouant la poêle à petits coups et jetant en l’air ses jolies pâtes croustillées.

Piet ne l’avait jamais vue si jolie et il la regardait bouche bée, lui pinçant par moments le bras, en cachette, très doucement.

— Piet ! que pourrait bien dire votre mère à mon oncle Claes ? demanda Truitje en suivant du coin de l’œil les deux compères. Il s’agit de nous sûrement.

— Ah ! Truitje, je donnerais ma part de paradis pour vous voir déjà faire des koekebakken pour votre petit mari. — Oui, ils causent de nous, ça se voit bien.

Lukas Snip était de l’autre côté du feu : il fumait dans sa grande pipe en porcelaine, assis sur une chaise, sans rien dire. De temps en temps il s’interrompait de fumer pour manger un morceau ou pour boire à son verre, puis il remettait sa pipe en bouche et continuait à tirer de petites bouffées qu’il lançait droit devant lui.

Et il pensait en lui-même :

— Piet trouvera, je pense, une bonne femme en Truitje. Elle a l’air de se connaître au ménage et elle ne frit dans la poêle que juste le beurre qu’il faut. C’est un bon temps celui où l’on fait la cour à sa femme. Je me mettais comme notre garçon près du feu et je restais des heures entières à regarder Anna, en fumant des pipes, sans trouver un mot.

Les koekebakken passaient à la ronde, sur le grand plat d’étain, et chacun y faisait honneur à sa manière, les uns en les coupant par petits carrés, les autres en