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— Eh bien, Lukas, reprit Anne-Mie Snip, il faudra aller voir Claes Nikker.

Lukas était si loin de penser à Claes Nikker qu’il s’exclama :

— Plaît-il, Anne-Mie ?

— Je dis qu’il faudra aller voir Claes Nikker, car Claes Nikker ne viendra pas le premier.

— Je le ferai, Anne, si vous le trouvez bon, mais que dirai-je à Claes Nikker ?

— Vous ferez comme lui : s’il parle, vous parlerez ; s’il ne parle pas, vous ne parlerez pas. Notre fils voit volontiers Truitje Nikker.

— Est-ce Dieu possible ? dit Lukas.

Et pour la première fois de sa vie, il mit sa pipe dans le coin gauche de sa bouche.


V


Le dimanche suivant, après vêpres, Lukas ne s’en retourna pas directement chez lui : il prit le chemin de la maison de Nikker et seulement s’arrêta un petit moment pour regarder jouer aux quilles, devant l’estaminet des Bons Amis.

— Eh ! Lukas, venez-vous risquer une partie ? lui cria Gaspar Peck, un marchand de grains qui passait ses journées à boire et à godailler.

— Non, Gaspar, dit Lukas, je n’ai ni de l’argent ni du temps à perdre.

Et il repartit en pensant :

— Ils ont la tête plus à l’aise que Lukas Snip, ceux lui jouent en ce moment à la boule.

Il avait une bonne casquette de peau de renard sur