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celles-ci sortir de dessous les cheveux longues, grosses, pointues ou rondes comme des pavillons de trompettes. Et de temps en temps, Lukas prenait la tête de la pratique dans ses mains et se mettait à un pas pour mieux voir son ouvrage. Soyez sûr que pas un cheveu n’était plus long que l’autre, quand Lukas soufflait dans la nuque du client et lui enlevait la serviette repliée dans le col de la chemise : aussi Lukas taillait toutes les meilleures têtes du village.

Quand il avait fini, la maman Snip balayait à la rue les cheveux tombés à terre et il se remettait à coudre.

Le petit homme travaillait sur sa table, les jambes repliées sous le corps, au milieu de toute sorte de vieux morceaux de drap qui lui servaient à remettre des fonds. Il ne s’interrompait que pour prendre une bobine dans son grand carreau, enfiler une aiguille ou choisir dans le tas un carré de drap vert, noir, bleu ou brun. Et quelquefois un joli bout de drap vert s’ajustait aux manches d’un habit noir ; mais le fil était toujours solide et le temps ne venait pas à bout des coutures de Lukas Snip.

Doux d’ailleurs comme un mouton, parlant peu, ne riant presque jamais et regardant constamment du côté de sa femme pour savoir ce qu’il devait penser ou dire.

— Lukas, lui dit un matin la bonne vieille, notre garçon est à marier.

— Oui, Anne-Mie, notre garçon est à marier.

— Et Truitje, la fille de Claes, est aussi à marier, Lukas.

Lukas leva la tête et regarda sa femme, ne comprenant pas : cependant il hocha la tête de bas en haut et dit comme elle :

— Oui, Truitje est aussi à marier.