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ner pour lui et partit en criant : hue ! à la grosse bête.

Puis il en vint d’autres encore jusqu’à ce que Claes Nikker eût soufflé sa lampe, car c’était le lendemain jour du Seigneur, et chacun voulait savoir s’il aurait ses souliers pour aller à la messe. Et à mesure que l’un ou l’autre sortait, maître Claes riait en lui-même et se disait :

— Voilà quarante ans que je connais les pères ; les mères, les filles et les garçons. Oui, Claes Nikker sait bien des histoires, mais il les garde pour lui.

« Jan Nikker, mon père, me disait : « Claes, mon garçon, regarde bien les souliers des gens qui te donneront à travailler : leur histoire est dans leurs souliers. Ah ! ah ! Claes Nikker n’est pas si bête qu’on croit ! » Et pan ! pan !


IV


Le lendemain, dix heures sonnant, Truitje se rendit à la messe dans sa jolie toilette noire, tenant entre les doigts son livre de prières et son chapelet. Tout le monde la reluquait à cause de sa fraîche mine reluisante comme de l’étain neuf, et elle se mit à genoux sur sa petite chaise, non loin du chœur, levant de temps à autre la tête pour regarder M. le curé à l’autel. On ne pourrait affirmer toutefois qu’elle regardât uniquement M. le curé, car elle roulait par moments son gentil œil brun de côté, sachant bien que Pieter Snip n’était pas loin.

Et quand elle sortit, elle n’ignorait pas non plus que Pieter Snip se trouvait parmi les jeunes hommes en blouse, bien rasés et bien peignés, qui fumaient leur pipe au bas de l’escalier de l’église.