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nue où s’ébouriffait un bouquet de poils, une vieille chanson nasillarde. Or, quelquefois une jeune et fraîche voix répondait à la sienne du fond de la petite chambre qui est derrière la boutique, et Truitje, la nièce de Claes, chantait en effet, tout en préparant les pommes de terre pour le souper.

— Je ne sais pas, fillette, lui dit un jour le bonhomme, je ne sais pas, mais vous avez la tête bien à l’envers depuis quelques jours !

Et en disant cela, il regardait la jolie fille de son petit œil gris qui riait, pendant que sa bouche se tirait vers le bas et que son menton, hérissé comme une brosse, s’allongeait d’une manière effrayante.

Sûrement il y avait quelque chose, car Truitje, qui en ce moment saupoudrait de poivre les pommes de terre, y versa la poivrière tout entière ; et il s’aperçut très bien qu’une jolie couleur rose lui montait dans le cou, à travers ses frisettes de cheveux. Mais ce fut une bien autre affaire quand le plat de pommes de terre ayant été apporté à table, l’oncle Nikker se mit à éternuer quinze fois de suite sans pouvoir poser la main sur son mouchoir, dans la poche de son tablier. Et après qu’il eut éternué quinze fois, il resta longtemps encore la bouche ouverte, avec de grosses larmes qui lui descendaient dans le creux des joues et s’accrochaient aux poils ras de son menton, comme un homme qui est sûr que l’accès n’est pas fini.

— Dieu vous bénisse, maître ! dit un jeune garçon qui entrait justement.