Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/188

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ronfle, car il faut grand feu pour ce qu’elle projette de faire, et nulle ne s’entend mieux qu’elle à confectionner une flammiche, nulle parmi les femmes de Dinant ni d’ailleurs. Elle prend son rouleau et le passe sur la pâte qui s’étend, rosée de beurre et d’œufs et parfaitement égale sur tous les points, comme une nappe ; elle met ensuite la pâte dans une forme de tarte et enfourne la forme dans le poêle ardent ; mais avant tout, elle a coulé sur la pâte une épaisse couche de beurre et de fromage blanc qu’on appelle stoffé dans le pays.

Et pendant qu’elle prépare ainsi le chef-d’œuvre de la soirée, le meunier lui dit en lui mettant la main sur l’épaule :

— Femme, voici beau temps que le moulin de notre voisin tourne à rien. Il viendra dimanche un homme de Pfau qui lui achètera ses charrettes et son cheval. Je pense qu’il est triste d’assister à la ruine de ses voisins quand on les a connus dans l’abondance.

— Oui, c’est une triste chose, dit la meunière. Allez, je plains de tout mon cœur Gertrude Flamart et sa fille.

— Il y eut un temps où le moulin de Flamart faisait plus d’affaires à lui seul que tous les moulins du pays ; mais Flamart a spéculé sur les grains et cela l’a conduit à sa perte. Ainsi parla ensuite Taubert.

— Bien sûr, répliqua sa femme. Un meunier a bien assez à faire de moudre sa farine sans s’occuper encore de spéculer sur la hausse et la baisse.

— Après ça, Flamart à jeun n’est pas un méchant homme ; mais quand il a bu, c’est un brutal qui bat tout le monde. Flamart ne buvait pas autrefois. Non, il n’avait pas bu le soir que notre grange brûla, et c’est lui qui retira nos chevaux de l’écurie, quoique le feu fût déjà dans les pailles.

— Nous ne devons pas oublier qu’il nous rendit alors