Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/185

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tine s’en va au four et elle rapporte, sur un paillasson d’osier tressé, un beau cramique à la croûte luisante qui laisse voir par la crevasse de ses flancs la miche couleur d’or neuf.

Toute la journée se passera dans ces apprêts, car c’est surtout au moulin qu’on doit trouver de la galette, de la tarte et du beau pain croustillant. Or, chez Taubert, la plus pure farine est sortie du sac et la meunière en est toute saupoudrée ; elle en a sur les mains, sur la figure, sur la robe, et quand elle éternue, c’est de la farine qui lui sort du nez.

Non, vraiment, elle ne s’en est pas montrée avare.

Déjà les domestiques sont venus prendre en courant leur repas du midi et ils ont redîné ensuite à quatre heures ; mais ils ont senti la fine odeur de la pâte et ils n’ont pris qu’une simple beurrée avec leur café, pour se garder de l’appétit.

Puis le soir tombe, la lanterne s’allume dans le moulin et on remplit d’huile les lampes de la maison, avec l’intention de les allumer bientôt.

La vieille Martine trotte dans les cours et les chambres comme à vingt ans, et un large rire lui fend la face, quand, sa lanterne dans une main et la marmite de fer dans l’autre, elle se dirige du côté de l’étable pour donner la pâture à ses vaches.

Pourquoi rit la vieille Martine et pourquoi son ombre qui tremble sur la neige fait-elle la grimace derrière elle ?

C’est qu’elle pense à la joie de la meunière quand elle lui donnera tout à l’heure son cadeau de Sainte-Catherine.

Et, tandis que Martine traverse la cour, courbée en deux, sur ses longues jambes maigres qui lui montent jusqu’aux épaules, Donat est tout songeur.