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l’horrible petite Carabosse avec son menton en casse-noisette, tapant son bâton à terre.

Puis M. Muller revenait, la lampe chassait les noires terreurs, et de nouveau, la jolie personne de l’estampe régnait dans sa pensée : il y avait des moments où il s’imaginait qu’elle le regardait. Comme il l’aimait ! Et il se promettait bien de l’aimer toujours.


XX


Un jour M. Muller le trouva tout en pleurs.

— Eh ! bien ! qu’y a-t-il, Jean ? As-tu de la peine ?

— Oh ! oui, monsieur Muller.

— Et pourquoi, Jean ?

— Elle ne veut pas s’éveiller, fit Jean avec une véritable désolation.

M. Muller vit sur la table l’estampe de la Belle-au-Bois dormant.

— Jean, elle ne le peut pas, dit-il presque désolé lui-même.

— Ah ! monsieur Muller, voilà si longtemps que je l’en prie.

— Attends, attends, fit alors M. Muller. C’est qu’il y a quelque mystère là-dessous.

Et le bon M. Muller, ne sachant s’il devait rire ou s’il devait pleurer, tira de sa poche son grand foulard à carreaux rouges et se moucha longuement, après s’en être mis un bout entre les dents.

En même temps il pensait en lui-même :

— « Je retournerai demain chez le libraire et je lui demanderai s’il n’a pas de livres où les petites filles s’é-