Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et la soirée s’acheva ainsi, dans la petite chambre où l’abat-jour du quinquet faisait régner une ombre transparente, pendant que la bouilloire chantait sur le poêle, qu’au dehors le brouillard suintait en grosses gouttes qui claquaient à intervalles réguliers sur le bord de la fenêtre, et que Jean voyait monter dans une vapeur d’or des fées resplendissantes de pierreries.

Il déposa enfin son livre sur une chaise, grimpa au lit, et s’endormit avec la pensée qu’il retrouverait le lendemain les belles images près de lui.

Et le lendemain, s’étant éveillé, il regarda le livre qui était sur la chaise et se sentit une grande joie en pensant à la bonne journée qui commençait. Il couvrit de papier la riche reliure maroquinée, afin de ne pas la souiller ; mais il ne put résister à la tentation d’enlever quelquefois le papier pour voir briller sur le rouge vif de la reliure les grandes lettres d’or tortillées comme des branches de vigne.

Le feu pétillait dans le poêle ; il faisait grand vent dehors, et sur le couvercle la bouilloire se balançait en sifflant. Qu’il se sentait heureux, son livre ouvert devant lui, dans cette bonne chaleur de la chambre ! Tantôt il lisait très vite, sautant par-dessus les lignes, et d’autres fois très lentement, pour ne pas épuiser trop vite le plaisir. Et par moments il avait de petits frissons dans le dos, croyant que ce qu’il lisait lui arrivait à lui-même.

Il avait cessé de prendre attention à la chambre, au poêle, au vieux fauteuil, et il se voyait, avec de beaux habits brillants, sur les genoux d’une fée-marraine qui lui parlait dans une langue douce comme de la musique.

Alors il cessait de lire et il appelait :