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tait venir l’eau aux dents de toucher à toutes ces choses rêches ; mais il avait beau remuer le fond du coffre, fouiller les vieux tomes, ouvrir les pages moisies où la trace des pouces était marquée en noir, il ne trouvait pas le livre qu’il aurait voulu donner à Jean.

— C’est singulier, disait-il, que je ne puisse plus retrouver mon Perrault. Certainement je ne l’ai ni prêté, ni donné, mon bon Perrault ! L’ai-je assez feuilleté ! Est-il assez en morceaux ! Ah ! Jean, voilà un livre qui t’amuserait !

— Qu’est-ce que c’est ça, Perrault, monsieur Muller ? demandait Jean qui était descendu du lit pour voir de près les livres.

— Perrault ? Ce sont des contes bleus avec des fées roses, des jardins où mûrissent des fruits d’or et des princesses qui se marient avec des petits garçons comme toi. Tu verras.

Mais Jean ne l’écoutait plus. Penché en avant, sa petite tête pâle presque disparue dans l’ampleur du coffre, il promenait ses mains sur l’amas des gros bouquins.

— Ah ! monsieur Muller, c’est bon l’odeur des livres !

— Oui, Jean, mais ce n’est rien, l’odeur des vieux livres, à côté de l’odeur des livres nouveaux. Il n’y a pas de plus grand plaisir que d’ouvrir un livre quand les feuilles ne sont pas encore découpées, et de mettre son nez dedans pour sentir l’odeur de l’encre fraîche.

Et Jean reprit avec conviction :

— Moi, j’aime les livres où il y a des images.

— Tu as bien raison, Jean. Et mon Perrault a aussi des images, mais je ne le trouve pas.

Quand il eut bien brassé les profondeurs du coffre sans trouver son Perrault, M. Muller déposa sur la table quelques vieux tomes ; et ceux-ci étaient illustrés de belles estampes ; et il dit :